D’Artagnan : Une Histoire Réelle

Parmi les personnages emblématiques des romans de cape et d’épée, d’Artagnan est sans conteste une figure singulière. Non seulement il incarne le héros par excellence du genre, mais il a également une existence réelle, à l’instar de Cyrano de Bergerac. Néanmoins, la réalité historique de d’Artagnan diffère considérablement de son homologue littéraire.

Le château de Castelmore, dans le Gers, est le lieu de naissance de notre héros…

La date de naissance de Charles de Batz, comte d’Artagnan, reste floue (entre 1611 et 1615), mais il voit le jour au château de Castelmore, près de Lupiac, dans le Gers. Comme beaucoup de nobles de sa région à l’époque, il passe une enfance typique, avant de quitter son château familial à l’âge de quinze ans pour Paris. Pour ce voyage, il adopte le patronyme de sa mère, Madame de Montesquiou d’Artagnan, dont la famille est mieux introduite à la cour. La localité d’Artagnan, près de Tarbes, leur appartient.

Mousquetaires de la Maison Royale

À Paris, d’Artagnan commence sa carrière en s’engageant dans les Cadets des Gardes-Françaises, une unité d’infanterie royale. Le comte de Tréville, capitaine des Mousquetaires, le place à Fontainebleau. Il tisse des liens d’amitié avec François de Montzelun, un autre jeune noble provenant des alentours d’Auch, qui devient plus tard gouverneur de la Bastille. Ce n’est qu’en 1644 qu’il intègre officiellement le corps des Mousquetaires.

Le légendaire et fier Gascon

Sa carrière dans cette unité dura peu, car en 1646, Mazarin dissout les Mousquetaires. D’Artagnan se voit confier diverses missions pendant la Fronde. C’est à ce moment qu’il fait la connaissance du jeune Louis XIV. Celui-ci lui accorde une confiance totale pour des missions nécessitant de la discrétion. En 1651, il accompagne le cardinal Mazarin lors de son exil à Brühl. Sa carrière s’épanouit rapidement. L’année suivante, il est nommé lieutenant des Gardes-Françaises, et acquiert le titre de capitaine en 1655, pour la somme considérable de 80 000 livres. À cette époque, il était courant d’acheter des grades, et la plupart des officiers provenaient de la noblesse. Cependant, la majeure partie de l’argent utilisée par d’Artagnan avait été empruntée à Colbert et à des proches du cardinal.

Portrait du jeune Louis XIV en costume de sacre, en 1654

En 1657, les Mousquetaires sont reconstitués, avec un neveu de Mazarin à leur tête. D’Artagnan rejoint ce régiment en tant que sous-lieutenant, tout en en exerçant de facto le commandement. Il se marie en 1659 avec Anne Charlotte de Champelcy, qui lui donne deux enfants dans les deux ans suivant leur union. Cependant, le mariage s’avère malheureux et le couple se sépare après six ans. En 1660, d’Artagnan accompagne le roi à Saint-Jean de Luz, pour son mariage avec Marie-Thérèse d’Autriche, infante d’Espagne. Ce voyage, qui dure près d’un an, est le premier grand déplacement du roi vers les provinces et suscite l’admiration du peuple, qui attend beaucoup de ce jeune roi après des années tumultueuses.

Lors de sa traversée des villes étapes, les Mousquetaires précèdent le roi, qui voyage dans un carrosse tiré par six chevaux blancs. D’Artagnan profite de ce trajet pour retourner à son château de Castelmore, un lieu qu’il n’avait pas visité depuis ses quinze ans, après la mort de ses parents.

Nicolas Fouquet

En 1660, Louis XIV confie à d’Artagnan sa mission la plus cruciale : l’arrestation de Nicolas Fouquet. Le plan est brillamment exécuté, et le mousquetaire accompagne l’intendant tombé en disgrâce tout au long de son incarcération à Angers, à Vincennes, à la Bastille, puis à la forteresse de Pignerol, où Fouquet terminera sa vie. Pendant plus d’un an, d’Artagnan devient véritablement son gardien, rendant compte avec précision au roi des nouvelles concernant son prisonnier, supervisant ses visites et ses conditions de détention. Malgré tout, une certaine amitié se développe entre eux, d’Artagnan allégeant la rigueur de la détention de Fouquet, malgré des conditions encore difficiles.

Statue de d’Artagnan à Maastricht

En 1667, d’Artagnan est promu capitaine-lieutenant de la première compagnie des Mousquetaires. La même année, il est nommé gouverneur de Lille, un poste qui ne lui convient pas et qui lui vaut rapidement l’inimitié de la population. En 1670, le roi ordonne à d’Artagnan d’arrêter un autre personnage important : le duc de Lauzun, capitaine des Gardes du Corps du Roi. Ce dernier, en se vantant d’une promotion au poste de Grand maître de l’Artillerie de France, s’attire la colère de Louis XIV, qui lui retire ce titre. Cette situation entraîne une tempête chez Lauzun, qui brise son épée devant le roi. Toutefois, contrairement à Fouquet, Lauzun ne passe que quelques jours à la Bastille, avant de retrouver sa liberté et sa position à la cour.

En 1672, d’Artagnan se réjouit de rejoindre la guerre de Hollande, abandonnant à cette occasion son poste de gouverneur. Cette guerre, qui oppose la France aux Provinces-Unies, tourne rapidement à l’avantage des Français. Cependant, c’est lors du siège de Maastricht que d’Artagnan perd la vie, touché par une balle de mousquet.

Ainsi s’éteint le d’Artagnan historique