Habitant à Fourcès, et parcourant les sentiers du Parc National des Pyrénées depuis plus de vingt ans, j’ai eu le privilège de contempler maintes fois l’une des plus belles pages de notre patrimoine naturel régional : le lac de Gaube. Tel un parchemin d’azur déployé entre les montagnes, ce joyau aux eaux cristallines reflète les sommets qui l’entourent comme pour raconter l’histoire millénaire de nos montagnes. Chaque année, ce théâtre naturel attire curieux, promeneurs et montagnards confirmés. Laissez-moi vous guider à travers ce lieu que j’affectionne particulièrement.
À la rencontre d’un témoin de notre histoire pyrénéenne
Lors de mes premières explorations en tant que jeune professeure curieuse de comprendre notre territoire, j’ai appris que le lac de Gaube repose à 1 725 mètres d’altitude sur le territoire de Cauterets, dans ces Hautes-Pyrénées qui recèlent tant de trésors. Sa forme ovoïde, comme dessinée par un artiste d’autrefois, s’étire sur un kilomètre de long et 300 mètres de large. Avec ses 19 hectares de superficie et ses profondeurs atteignant 40 mètres par endroits, ce n’est pas un simple plan d’eau, mais un véritable monument naturel dont les berges serpentent sur plus de 2 kilomètres.
Les eaux du gave des Oulettes de Gaube l’alimentent continuellement, tandis qu’autour de lui se dressent des gardiens silencieux que j’ai appris à connaître au fil de mes visites :
- Le pic Mayouret (2 688 m), sentinelle orientale
- Le grand Pic des Paloumères (2 720 m), dont le nom évoque les palombes qui traversent parfois nos cieux
- Le pic de Gaube (2 377 m), plus modeste mais non moins majestueux
Mais celui qui m’a toujours fascinée, véritable seigneur des lieux, n’est autre que le Vignemale. Culminant à 3 298 mètres, ce géant des Pyrénées françaises se mire dans les eaux du lac comme un monarque dans son miroir, nous rappelant la puissance des forces géologiques qui ont sculpté nos paysages.
Sur les pas des voyageurs d’antan
L’accessibilité du lac est un cadeau que je ne manque jamais d’apprécier lors de mes excursions, et explique en partie pourquoi ce lieu a captivé tant de visiteurs à travers les siècles. Deux chemins s’offrent à vous pour rejoindre ce sanctuaire naturel :
- La randonnée historique depuis le Pont d’Espagne : Un parcours que j’emprunte régulièrement, suivant les traces des premiers touristes du XIXe siècle. Cette marche d’environ 1h15 avec 270 mètres de dénivelé positif vous permettra d’observer la progression des paysages, comme les pages d’un livre que l’on tourne lentement.
- Le télésiège du Gaube : Une option plus contemporaine que je recommande aux familles ou aux personnes souhaitant ménager leurs forces. Il vous déposera à proximité, ne laissant qu’une quinzaine de minutes de marche pour atteindre les rives du lac – un compromis entre modernité et tradition qui permet à chacun de s’émerveiller.
Les itinéraires que j’ai explorés autour du lac de Gaube
Au fil de mes escapades saisonnières, j’ai découvert que le lac de Gaube n’est pas seulement une destination en soi, mais un véritable carrefour de chemins qui racontent chacun une partie de l’histoire pyrénéenne. Voici les parcours que j’ai eu le plaisir d’arpenter et que je vous invite à découvrir à votre tour.
Le chemin du Pont d’Espagne au lac de Gaube
- Distance : 4,9 km aller-retour
- Dénivelé : +284 m / -284 m
- Durée : environ 2h30
- Difficulté : Moyenne
Ce sentier, que j’emprunte souvent pour mes recherches sur la fréquentation touristique historique des Pyrénées, débute au parking du Puntas (1460 m). Vous suivrez le célèbre GR10 aux balises rouge et blanc, un itinéraire déjà emprunté par les voyageurs du XIXe siècle. La forêt de pins sylvestres que vous traverserez abrite une flore que les botanistes pyrénéens étudient depuis des générations. Le petit lac des Huats vous offrira une pause contemplative avant d’atteindre votre destination. Quelques passages demandent un peu d’attention au début, mais rien d’insurmontable pour qui prend son temps.
La promenade autour du lac
- Distance : environ 3 km
- Dénivelé : minimal
- Durée : 1h à 1h30
- Difficulté : Facile
Lors de mes visites avec des amis moins aguerris à la marche, je privilégie ce parcours accessible qui longe la rive droite du lac. À chaque virage, le paysage se recompose comme un tableau vivant, offrant de nouvelles perspectives sur les sommets environnants. C’est l’occasion parfaite pour observer les variations de lumière sur l’eau au fil des heures, un spectacle que les peintres pyrénéistes du XIXe siècle venaient déjà admirer. À noter qu’il n’est pas possible de faire le tour complet du lac, mais le demi-tour offre une autre lecture du paysage.
L’aventure jusqu’au refuge des Oulettes
- Distance : 18 km aller-retour (depuis le Pont d’Espagne)
- Dénivelé : +786 m / -786 m
- Durée : environ 5h aller-retour (hors pauses contemplatives)
- Difficulté : Modérée à difficile
L’été dernier, j’ai suivi ce chemin chargé d’histoire qui prolonge l’itinéraire précédent. Après avoir embrassé du regard le lac de Gaube, vous continuerez le long de sa rive gauche. Le sentier traverse des éboulis millénaires, témoins silencieux de l’évolution géologique de nos montagnes, et s’élève par paliers successifs. Chaque passage offre un nouveau chapitre de ce grand livre naturel qu’est le massif du Vignemale. Le refuge des Oulettes, perché à 2151 m d’altitude, est à mes yeux un véritable site patrimonial où l’on ressent la présence des premiers pyrénéistes. Une étape idéale pour se reposer et s’imprégner de l’atmosphère unique des hautes vallées pyrénéennes.
L’ascension du Vignemale (Pique Longue)
- Distance : variable selon l’itinéraire choisi
- Dénivelé : +1680 m depuis le barrage d’Ossoue
- Durée : 11h aller-retour
- Difficulté : Très difficile
Je n’ai réalisé cette aventure alpine qu’à deux reprises, en compagnie de guides expérimentés. Elle mène au sommet du Vignemale (3298 m), le point culminant des Pyrénées françaises, foulé pour la première fois en 1838 par Anne Lister, une exploratrice britannique dont le courage et la détermination m’ont toujours inspirée. Cette randonnée exigeante demande une excellente condition physique, une solide expérience de la haute montagne et un équipement adapté. L’itinéraire traditionnel passe par le refuge de Bayssellance avant d’atteindre le glacier et le couloir final, offrant un voyage dans le temps jusqu’aux origines de l’alpinisme pyrénéen.
Au-delà de la randonnée, mes découvertes autour du lac
Mes multiples visites m’ont permis d’explorer d’autres facettes de ce lieu emblématique, au-delà des sentiers battus :
- La tradition séculaire de la pêche : Lors d’une rencontre avec un pêcheur local, j’ai appris que le lac abrite un véritable patrimoine piscicole avec des truites fario, des ombles chevaliers et de fontaine, ainsi que des cristivomers. Ces espèces racontent l’histoire des pratiques d’alevinage qui remontent au début du XXe siècle.
- Un observatoire naturel de la faune : Munie de jumelles et de patience, j’ai eu la chance d’observer la vie sauvage pyrénéenne. Les marmottes, introduites au siècle dernier et parfaitement adaptées, offrent souvent un spectacle attendrissant. Avec un peu de chance et de discrétion, vous pourriez apercevoir isards et rapaces qui peuplent ces hauteurs depuis des millénaires.
- Le rituel de la baignade : Une tradition que certains visiteurs perpétuent depuis l’époque romantique. Bien que non aménagée et certainement revigorante (comprendre : glaciale !), la baignade n’est pas interdite pour les plus téméraires. J’avoue n’avoir osé y tremper que les pieds en plein été !
- Un livre d’images à ciel ouvert : En tant que passionnée de photographie amateur, je peux témoigner que chaque heure du jour, chaque saison transfigure ce paysage et offre des tableaux dignes des plus grands peintres. Lumière dorée du matin, reflets d’azur de midi ou ambiances pourprées du soir – chaque moment mérite d’être immortalisé.
Le carnet de route d’une habituée des lieux
Après tant d’années à fréquenter ce lieu en toutes saisons, permettez-moi de partager quelques conseils qui rendront votre visite aussi agréable que la mienne :
- Le calendrier de l’exploratrice avisée : Ma période de prédilection s’étend de juin à octobre. En juin, les prairies s’ornent d’un tapis de fleurs alpines que les botanistes du XVIIIe siècle venaient déjà étudier. Juillet et août offrent une stabilité météorologique appréciable, tandis que septembre et octobre parent les forêts de couleurs flamboyantes dignes des plus belles enluminures médiévales.
- L’équipement indispensable : Ne vous laissez pas tromper par l’apparente facilité d’accès ! Même pour une simple visite au lac, je ne pars jamais sans de bonnes chaussures de marche (les mêmes qui m’accompagnent sur les chemins de Saint-Jacques), une réserve d’eau, une protection solaire et des vêtements adaptés. J’ai appris à mes dépens que la météo montagnarde peut se transformer aussi vite qu’une salle de classe après la sonnerie !
- Prolonger l’aventure : Pour vivre pleinement l’expérience, j’ai plusieurs fois séjourné au refuge des Oulettes de Gaube. Ces nuits en altitude offrent une immersion complète dans l’ambiance pyrénéenne et permettent d’observer le lac sous une lumière matinale que peu de visiteurs connaissent.
- Un patrimoine naturel à préserver : En tant qu’enseignante, je ne peux m’empêcher de rappeler que ce joyau se trouve dans le Parc National des Pyrénées, créé en 1967 pour protéger ces écosystèmes fragiles. Respectons les réglementations et adoptons la philosophie des premiers naturalistes : observer sans perturber, admirer sans altérer.
Épilogue d’une amoureuse des Pyrénées
À l’heure où j’écris ces lignes, assise à mon bureau entre copies d’élèves et cartes topographiques, je ressens déjà l’appel du lac de Gaube pour ma prochaine escapade. Ce lieu n’est pas simplement un point sur la carte des Pyrénées – il est un chapitre essentiel de notre patrimoine naturel et culturel occitan, un témoin silencieux des époques géologiques et des aventures humaines qui ont façonné notre territoire.
Que vous soyez simple curieux venu admirer ce que Ramond de Carbonnières qualifiait déjà au XVIIIe siècle de « miroir des montagnes », famille en quête d’une sortie enrichissante, ou randonneur expérimenté cherchant à marcher sur les traces des grands pyrénéistes, le lac de Gaube vous offrira sa page d’histoire à contempler.
Un dernier conseil de professeure qui a appris à capturer la beauté pour la partager avec ses élèves : n’oubliez pas votre appareil photo ou carnet de croquis. Les tableaux naturels qui s’offriront à vous méritent d’être conservés, non seulement dans les mémoires numériques, mais aussi dans celle du cœur. Car comme l’écrivait Victor Hugo lors de son passage dans les Pyrénées : « Ce que nous avons vu vaut bien ce qu’on nous montre. »
À bientôt peut-être, au détour d’un sentier menant à ces eaux turquoise que je ne me lasse jamais d’admirer !